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Quelle différence entre Information et Communication ?

La question de la différence entre information et communication pourrait paraître évidente, et pourtant jamais la frontière entre ces deux terminologies n’a été aussi mince. La défiance que rencontrent actuellement les journalistes, producteurs d’informations, ne doit pas y être pour rien. Dans le même temps, il y aurait aux États-Unis quatre fois de plus de communicants que de journalistes. Un combat perdu d’avance ? Pas si on considère que chacun remplit une fonction au sein de notre société.

J’ai souvent été frappé lors de mes voyages par ce flou qui régnait dans la tête de mes interlocuteurs, qu’ils soient auditeurs, apprentis journalistes ou même journalistes confirmés. Il faut dire aussi que les écoles dont sont issus les communicants comme les journalistes sont souvent les mêmes, regroupées parfois derrière l’appellation trompeuse de TIC, Technologie de l’information et de la communication.

C’est en tombant sur cette image que j’ai trouvé un début de réponse. Une image que l’on pourrait résumer ainsi : Une information part d’un émetteur jusqu’à un auditeur, une communication est, elle, réciproque, l’auditeur peut à son tour échanger avec l’émetteur.

Il y aurait donc un début de réponse en faisant un exercice de définition, de sémantique.


C’est ce qu’a fait Yvan Amar dans son émission  » La danse des mots «  sur RFI. Il recevait Fabrice Daverio, directeur général adjoint du CFPJ (Centre de formation et de perfectionnement des journalistes) à Paris.

C’est quoi une information ?

Laissez-moi donner une définition personnelle :

  • Le mot Information, en journalisme, désigne tout élément d’une histoire ayant été vérifié, validé, en opposition à une rumeur, un bruit de couloir.
  • Le mot communication, en journalisme (comme en marketing ou en politique), désigne tout élément de discours ayant été produit à des fins précises, vendre un produit ou appuyer une thèse.

Information ≠ Communication

/
Journaliste ≠ Communicant

Comment ne pas rapprocher ce problème de définition (qui j’espère est désormais, pour vous lecteurs réglé) avec la défiance que l’on constate envers le journaliste. Pour celui qui n’a jamais mis les pieds dans une rédaction, il est facile de fantasmer et de croire que les journalistes cherchent tantôt à protéger le gouvernement, tantôt à protéger la réputation de leurs annonceurs, la vérité est bien évidemment plus complexe. D’abord si on met de côté le journalisme sensationnel, à chaud, la plupart des journalistes pèsent chacun de leurs mots (c’est très important à comprendre). Les bons journalistes ne s’expriment que quand leurs informations sont validées et donc véritables. La communication à l’inverse, cherche toutes les opportunités possibles pour exister, de manière à imposer un discours, quitte à déclarer des  » vérités approximatives « .

Comme j’y ai fait allusion plus haut, les médias ne sont pas pour rien dans cette défiance. On parle de BFMisation de la vie politique , de journalisme à la demande, de journalisme de marque… Des notions ambiguës éthiquement qui peuvent vite être très contre-productives, qui entretiennent le flou. Il faut occuper l’espace même si on a rien à dire, c’est le Live à tout prix. Nous en parlions en 2012 au sujet du traitement médiatique de l’assaut de l’appartement de Mohamed Merah. Un reportage de Céline Develay-Mazurelle.

Une communication massive

Dans le même temps, la communication n’hésite plus à produire de l’enquête pour légitimer une marque, ou une personnalité politique. Comme c’était le cas pour le PS et son bilan de Sarkozy, ou encore Amnesty International avec ses Amnesty Stories.

La frontière entre ceux qui produisent de l’information et ceux qui produisent de la communication n’est donc plus si claire. L’un n’ayant plus besoin forcément de l’autre et réciproquement. Et les mutations engendrées par l’arrivée d’Internet, la crise ou la perte d’idéal (allez savoir) ont elles un impact bien plus important.

« 1 journaliste / 4 Communicants »

Le Pew Research Center publiait en août 2014 le résultat des statistiques des emplois aux États-Unis.Le nombre de journalistes a baissé de 17 % au même moment où le chiffre des communicants augmentait de 22 %, et on constate qu’aux États-Unis les communicants sont quatre fois plus nombreux que les journalistes. On comprend mieux l’ampleur du travail qui reste à faire pour les journalistes, ou plutôt le travail qu’il reste à faire pour ceux qui préfèrent l’Information à la Communication.

Séparer le bon grain de l’ivraie

Les journalistes ne s’en sortiront pas seuls. Si au minimum, vérifier une information c’est trouver deux sources identiques, en ayant quatre communicants en face, le journaliste doit effectuer un tri plus important. Rajoutez à cela, le fait que tout un chacun est désormais capable de produire de l’info et vous voyez l’ampleur du travail à accomplir, ne serait-ce que pour trier.

Attention, je ne veux surtout pas insinuer que les communicants sont des menteurs. Il existe des moutons noirs dans chacune des professions. Gardons en tête que ces corporations ne sont pas homogènes et qu’elles englobent souvent des pratiques très différentes. De même, on peut dire qu’il y a peu de points communs, par exemple, entre un journaliste présentateur et un journaliste de reportage, l’un relate quand l’autre va vérifier (pour schématiser). De même, les conséquences du travail d’un publicitaire ne sont pas les mêmes que celui d’un spin doctor.

Si vous n’avez pas encore testé, je vous invite à vous inscrire à  » Jeux d’influence  » produit par « Premières lignes« . Jeux d’influences (le site) est un newsgame accompagnant un documentaire sur les spins doctors diffusé par France5. Les Spins doctor, pour ceux qui ne connaissent pas, sont ces professionnels de la communication de crise que l’ont retrouvent aussi bien au service de grandes entreprises que d’hommes politiques. Si dans ce jeu (appelons-le ainsi), la définition de la vérité chez un communiquant est fluctuante ou approximative, il ne faut pas mettre de côté le monde sur-médiatisé dans lequel nous vivons. La recherche du sensationnel dans les médias et la multiplication des supports, l’instantanéité du web, ont eu pour conséquence de catalyser, amplifier la moindre information. Chaque faux pas peut désormais provoquer une avalanche.

Quitte à faire un léger aparté, il faut lire aussi cet article écrit par Anne-Sophie Mercier pour le Monde Magazine,  » Politiques : dans le piège des humoristes « . Elle y dissèque comment la sur-médiatisation et surtout le traitement humoristique de la politique peut avoir des effets néfastes.
Notamment, en empêchant les figures hors canon de la communication d’exister médiatiquement.

Tous coupables ?

Vous avez certainement déjà fait les frais d’un trait d’humour mal interprété sur les réseaux sociaux.
Vous avez également déjà sollicité vos amis pour qu’ils likent la page de l’entreprise de l’un des membres de votre famille. Tout comme vous avez déjà dû interpeller votre réseau pour confirmer une rumeur. Nous manipulons tour à tour ces rôles de communicants ou de journalistes, nous alternons sans cesse entre production d’information et de communication. Nous sommes d’ailleurs nous-mêmes des communicants hors pair, lorsqu’il s’agit de notre propre personne. On ne le redira jamais assez, mais ceux qui croient que les gens racontent leurs vies sur Facebook ou Twitter se trompent. Les gens racontent en ligne ce qu’ils veulent que l’on se souvienne d’eux.

Je le disais plus haut, les journalistes ne s’en sortirons pas seuls. Il faut lire au passage l’entretien accordé par Arnaud Mercier pour le figaro sur  » Affaire Nabilla : ce que révèle l’hystérie médiatique « . Les médias, en général, ont actuellement une soif de plaire au public presque dérangeante et alignent leur éditorial sur les sujets de conversations des réseaux sociaux. Alors, si les lecteurs peuvent influencer la production d’information, peut-être devrions- nous nous emparer de cette possibilité comme d’un devoir.

A l’image de ces manifestants syriens qui aident les journalistes à authentifier leurs vidéos, nous devons, dans notre manière de nous comporter sur les réseaux, faciliter l’apparition de la vérité, de l’information qui compte. Si nous sommes intimement convaincus que l’information prime, ne devrions- nous pas privilégier les médias qui tendent vers cet idéal …


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Auteur·e

cuisineanxious

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